Le cis gaze, en bref

L’an dernier, dans le cadre de mon Master en études de genre, littérature et culture, j’ai rédigé un mémoire intitulé “Le cis gaze reflété au cinéma”. En 200 pages, je reviens sur plusieurs années de représentations de personnages trans’, sur grand écran, en m’appuyant sur des exemples précis. Pour faciliter l’accessibilité de ce travail, cet article va revenir rapidement sur le pourquoi du cis gaze, sa définition et ses caractéristiques.

À force de regarder des films centrés sur des personnages trans’, on constate assez rapidement certaines récurrences :

  • les personnages sont tous hormonés ou bien il s’agit de l’enjeu du film ;
  • tout le monde est hétérosexuel ;
  • les trans’ n’ont pas d’ami-e-s trans’ et vivent seulement entouré-e-s de cis qui souffrent de leurs transitions ;
  • les médecins sont omniprésent-e-s ;
  • les personnages détestent leurs corps ;
  • tout le monde est binaire ;
  • tous ces films sont des drames…

Écrire ces histoires et mettre en scène ces récurrences, cela donne une vision restreinte et souvent blessante de ce que sont les transidentités. Ces films découlent d’une vision ciscentrée, elle-même inscrite dans un système cisnormatif, c’est-à-dire qui défini la norme par défaut comme cis. C’est à partir de ce constat qu’il faut penser la notion de cis gaze.

La notion de cis gaze pré-existe à cette recherche, parce que le regard cis, avant d’être un procédé cinématographique et narratif, inconscient ou non, c’est une réalité. C’est le regard quotidien des personnes cis sur nos corps et sur nos vies de personnes trans’.

Définition du cis gaze

Cette notion se base également sur les écrits de Nissa Mitchell, écrivaine et musicienne, et de Julia Serano, chercheuse et militante trans-bi. La première écrit en 2017, dans TransSubstantiation, que « le cis gaze fait référence aux moyens mis en oeuvre pour présenter les personnes trans’ comme si elles existaient uniquement pour satisfaire le voyeurisme des personnes cis et pour les divertir »1. La seconde souligne notamment, dans son Manifeste d’une femme trans, que cette vision tend à naturaliser les identités cis et à artificialiser les identités trans’2.

Enfin, le cis gaze, c’est surtout un amas de fantasmes, ou comme le dit Ray Filar : « la “transition”, le “changement de sexe”, et même dans une certaine mesure le “coming out” sont des fantasmes cis. Ce sont des fantasmes cis qui effacent les processus par lesquels les personnes cis façonnent également leur propre genre »3.

On peut garder à l’esprit le fait que ce regard se trouve dans les arts visuels et la littérature mais n’est pas un regard limité à ces champs. Il est applicable à la société de manière large. Le cis gaze est un regard systémique. Il a une influence réelle sur la manière dont les personnes trans’ ont conscience de leurs corps et de leurs apparences qui sont constamment épiées à travers le cis gaze. En ce sens, les personnes trans’ portent souvent sur elles-même ce que nous pouvons qualifier de cis gaze interiorisé. Le concept abordé ici existe à travers les films parce qu’il existe socialement, porté par une classe de genre dominante. Ce regard cristallise des comportements violents, fétichisants, menaçants et globalement stigmatisants à l’encontre des personnes trans’.

Ce qui résulte de tout ça, c’est notamment une objectification des personnes trans’, qui ne sont pas des sujets pour le cinéma mais des objets maléables et soumis aux personnes qui ont le pouvoir sur l’écriture, la mise en scène, la réalisation et le jeu : les personnes cis. Ces dernières ne réfléchissent pas à l’ordre de domination et perpétuent des stéréotypes, qui eux-mêmes contribuent à l’alimentation d’un cercle vicieux. Le public n’est exposé qu’à un certain type de représentation qui nourrit l’imaginaire. Les créations qui suivent en sont à leur tour alimentées.

Ce qui intéresse le public cis c’est une représentation de la transidentité qui ne défie pas ses propres représentations du genre. Il n’en reste pas moins qu’il y a, derrière l’intérêt pour les figures trans’, un intérêt pour l’altérité. À ce titre, les personnages trans’ doivent représenter une altérité acceptable. Les corps des personnes trans’ sont alors des corps sur lesquels la société cisnormée aurait un droit de regard, lui permettant de définir à la fois des normes binaires et des manières d’être trans’.

Pour terminer je peux vous livrer la définition du cis gaze qui m’a semblée la plus claire :

« Le cis gaze est une notion qui caractérise la manière dont les personnes trans’ sont représentées, au cinéma, afin d’intriguer le public cis et le regard cisnormé tout en ne remettant pas en question l’hégémonie de ce regard et en se conformant à des stéréotypes établis à propos de l’existence tolérée des personnes trans’ dans la société. »

Évaluer la présence du cis gaze dans une oeuvre

De futurs articles me permettront de revenir plus en détails sur les différentes caractéristiques identifiées dans les films comme correspondant à du cis gaze. En attendant, voilà une liste non détaillée de 20 critères permettant d’évaluer la présence du cis gaze dans une oeuvre. Si un film coche au moins trois de ces critères alors il est porteur d’un regard cis sur les transidentités.
Le personnage trans’ :
  1. s’habille / se maquille
  2. est félicité·e car iel rentre dans une norme ciscentrée
  3. fait face à une remarque qui souligne le fait que nous n’aurions jamais pu deviner qu’iel était trans’
  4. est travailleuse·eur du sexe (et ses collègues sont également trans’)
  5. a un comportement de prédateurice / est déloyal·e
  6. est appelé·e par son deadname / mégenré·e volontairement
  7. suit un parcours médical et l’on peut voir ses prises d’hormones et / ou des opérations chirurgicales / esthétiques liées à son parcours de transition
  8. a pour préoccupation centrale ou unique sa transition
  9. voit ses organes génitaux exposés à l’écran et / ou à d’autres personnages sans son consentement
  10. cause la détresse émotionnelle de l’un·e de ses proches
  11. est la victime passive d’une agression
  12. se fait du mal, de quelque manière que ce soit
  13. voit son identité remise en question par un personnage cis
  14. voit son identité validée par une analyse psychiatrique
  15. imite un personnage cis pour performer son genre
  16. n’a aucune interaction avec d’autres personnages trans’
  17. a des relations amoureuses et / ou sexuelles exclusivement hétérosexuelles
  18. se regarde entièrement nu·e dans un miroir
  19. détourne son regard de son propre corps mais reste exposé·e à au moins un autre regard
  20. est joué·e par un·e acteur·ice cis (surtout si son genre n’est pas conforme à celui du personnage)
Ces critères sont purement descriptifs et servent à alimenter une amorce de réflexion. Ils peuvent être pensés le long d’un continuum et sont plus ou moins pertinents selon le contexte. C’est ce que les futurs articles nous permettront de détailler ! D’ici là, n’hésitez pas à les utiliser quand même pour évaluer les films que vous regardez et à nous envoyer vos résultats pour qu’on puisse les comparer avec les nôtres !
 

Pour aller plus loin :

  • lecture des articles complets de Nissa Mitchell et Ray Filar
  • Julia Serano : Manifeste d’une femme trans et autres textes, récemment traduit et publié aux éditions Cambourakis
  • Jeu vidéo interactif de Caelyn Sandell, intitulé Cis gaze : https://inurashii.itch.io/cis-gaze

1. “Sophia Banks, a trans photographer, first brought the phrase to the internet in a tweet on March 22nd, 2014”, MITCHELL Nissa, “The Cis Gaze”, TransSubstantiation, 7 mars 2017, consultable sur https://transsubstantiation.com/the-cis-gaze-6c151f9374ca, traduit par Charlie Fabre

2.SERANO Julia, Whipping girl, a transsexual woman on sexism and the scapegoating of femininity, Seal Press, 2007

3.FILAR Ray, « ”Is it a man or a women ? Transitioning and the cis gaze” by Ray Filar », Verso, 24 septembre 2015, traduit par Charlie Fabre

Au-delà des images, que retenir de Disclosure (2020)

Disclosure est un documentaire réalisé par Sam Feder et diffusé en 2020 sur Netflix. Le film est constitué de témoignages de personnes trans qui s’expriment sur la représentation trans à Hollywood, entrecoupés d’extraits de films et de séries. À partir de ce contexte spécifique américain, le film met en lumière un grand nombre de points très importants concernant la représentation trans en général.

Premièrement, les personnages trans (au sens large) existent depuis que le cinéma existe. La représentation de ces dernières années n’est pas une grande première mais s’inscrit dans une continuité. Une continuité malheureusement néfaste pour les personnes trans.

Le film évoque ensuite rapidement l’apport des représentations trans aux personnes qui témoignent : il a été clé pour elles de se voir à l’écran. Nombre d’entre elles apprécient des films et personnages considérés comme problématiques aujourd’hui : car c’était les premiers qu’elles voyaient, les seuls qui existaient à l’époque.

Toutes parlent de cette dualité à apprécier des œuvres qui, d’une part, leur ont fait comprendre qu’elles n’étaient pas seules ou leur ont donné du travail quand elles en avaient besoin, et qui, d’autre part, ont souvent été préjudiciables à la vision que les personnes cis ont des personnes trans.

Ensuite, le documentaire aborde les représentations elles-mêmes. Elles sont pour la majorité négative : si le personnage trans n’est pas simplement là pour faire rire, il est alors soit coupable, soit victime. Quand il est là pour faire rire, les blagues sont extrêment violentes : on voit des hommes cis qui vomissent à l’idée de faire l’amour avec une femme trans. Quand la femme trans est coupable, elle est tueuse en série, psychopathe. Quand elle est victime (presque toujours d’un crime transphobe), elle est morte, et souvent travailleuse du sexe. Et lorsque le sujet de la transidentité est abordé dans les dialogues par les autres personnages, souvent au-dessus du corps sans vie d’une femme trans, le respect est absent des mots utilisés.

Disclosure relève également un phénomène récurrent : les rôles de personnages trans les plus connus sont joués par des personnes cis qui remportent des prix pour ces interprétations.

En effet, de nombreux hommes cis ont interprété des femmes trans à l’écran et par la suite ont affiché des barbes fournies lors de remises de prix au cours desquelles ils étaient récompensés. Jen Richards, actrice, explique dans le documentaire à quel point ces rôles trans joués par des hommes cis nourrissent la violence à l’encontre des femmes trans.

Un rôle trans interprété par un·e acteur·ice trans permet aux spectateur·ice·s de ressentir pour l’acteur·ice trans la même compassion qu’iel ressent pour le personnage. Or, en voyant un acteur cis avec sa barbe bien fournie, le·a spectateur·ice est renvoyé·e au jeu, à la performance de l’acteur. Le raccourci est rapide et simple pour elleux : les femmes trans ne sont que des hommes déguisés, qui performent la féminité mais qui ne sont pas des femmes.

Les représentations des hommes trans, plus récentes et bien moins nombreuses, ont moins souffert de ce phénomène : seule Hilary Swank a été récompensée pour son rôle de Brandon dans Boys Don’t Cry. Cependant, le problème reste le même : lorsque la·e spectateur·ice apprend que l’actrice qui a interprété un homme trans est cis, alors le raccourci est le même, simplement inverse. Le genre resterait une performance est non une identité.

Les violences que subissent les hommes trans sont différentes de celles subies par les femmes trans, qui en plus de subir la transphobie subissent également la misogynie et la transmisogynie. Si les femmes trans ont été victimes de mauvaises représentations depuis le début du cinéma, il est difficile de trouver des représentations d’hommes trans. De nombreux films jouent avec un personnage féminin qui se fait passer pour un homme pour avoir de meilleures conditions de vie, être entendu, être considéré. Mais le personnage finit toujours par “redevenir” une femme pour plaire à l’homme qu’elle désire ou pour simplement avoir une vie vraiment heureuse. Les hommes trans souffrent donc différemment des représentations : l’absence de rôles ne leur permet pas de se reconnaître à l’écran, ni aux autres de connaître leur existence. Or, ce qui n’est pas visible n’est pas inexistant.

Les hommes trans ne sont vraiment présents que depuis le début des années 2000, notamment grâce à The L Word. Mais encore une fois, les représentations sont négatives : la testostérone les fait devenir violents, agressifs, manipulateurs, sexistes. Ces représentations sont en train de changer, notamment grâce à des séries qui incluent des auteur·ice·s trans et des personnages trans récurrents : The L Word : Generation Q et Les Chroniques de San Francisco. Ou encore des séries dont les hommes trans récurrents n’existent pas qu’à travers leur transidentité : Les Nouvelles aventures de Sabrina, The Politician, Titans, Grey’s Anatomy, The OA, Druck, Tales of the City, etc.

Disclosure met en exergue le manque de diversité des représentations, l’absence de personnes trans à la création de ces représentations et l’impact que les représentations peuvent avoir sur les personnes trans comme sur les personnes cis.

Si l’on devait émettre une liste de critères pour une bonne représentation à la suite du documentaire, ce serait :

  • Une œuvre créée par des personnes trans
  • Une œuvre qui implique des personnes trans dans la production
    Une œuvre qui diversifie les représentations des personnes trans
  • Une œuvre qui représente les personnes trans positivement
  • Une œuvre qui inclut les personnes trans dans son public cible

Pour autant, la qualité des représentations n’est pas l’objectif ultime du combat pour une meilleure représentation. Disclosure se conclut ainsi : « Having positive representation can only succeed in changing the conditions of life for trans people when it is part of a much broader movement for social change. Changing representation is not the goal, it’s just the means to an end. » Susan Stryker

Les représentations positives sont clés pour faire changer les mentalités, mais si un changement plus large de la société n’est pas en œuvre alors elles n’auront pas d’effets concrets sur les vies des personnes trans comme l’accès à l’emploi, à la parentalité, à la santé, à la sécurité, à la scolarité, etc.

« Une représentation positive ne peut changer les conditions de vie des personnes trans que si elle s’inscrit dans un changement social plus large. Changer la représentation n’est pas le but. C’est un moyen. »

Susan Stryker (traduction Netflix)

Représentrans, représenter les transidentités autrement

Représentrans est né d’une volonté de se voir à l’écran. De se voir représenté avec authenticité et respect. Représentrans est né également d’une volonté de changer le regard des personnes cis sur les transidentités. Ce regard, il est nourri de tout ce qui est a été dit, vu et entendu à propos des personnes trans. En changeant les représentations, nous pouvons changer ce regard.

Représentrans a donc l’ambition de faire changer les représentations des transidentités en France. Si Disclosure de Sam Feder témoigne d’une évolution des représentations aux États-Unis, la France accuse un certain retard.

L’objectif des représentations trans, c’est rendre visible ce qui est absent. Absent et non pas inexistant. Les représentations visent donc à rendre visible au plus grand nombre les personnes trans, leurs vécus, leurs histoires personnelles comme les histoires de la communauté, mais aussi et surtout les problèmes qu’elles peuvent rencontrer. Qu’ils soient dû à la transphobie ou aux simples problèmes de la vie.

Tout art n’a pas vocation à être pédagogique mais si la représentation d’une certaine minorité est au cœur d’une fiction, il est alors crucial de se poser la question du contexte dans lequel elle s’inscrit. Le contexte politique, culturel, mais aussi celui des représentations existantes. Les anciennes représentations, souvent mauvaises ou incomplètes, nourrissent les nouvelles. Il est important de les remettre en question et de travailler à créer de nouvelles représentations plus justes et plus positives des personnes trans. Et il est vital d’y impliquer des personnes trans concernées et expertes des représentations.

Une seule œuvre ne pourra répondre à toutes les problématiques des représentations mais il est primordial d’aborder les transidentités avec justesse et bienveillance. Ces représentations auront des répercussions sur les vies réelles des personnes trans. Certains choix qui paraissent anodins peuvent avoir des conséquences bien plus larges qu’une personne cis peut envisager. Et bien qu’il n’y ait eu aucune intention malveillante, ces conséquences peuvent continuer à ancrer des informations transphobes dans l’imaginaire collectif.

L’équipe Représentrans

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Gabriel Harrivelle (iel), fondateur de Représentrans
“J’ai créé Représentrans car je crois au pouvoir des images. C’est en voyant d’autres personnes trans exister et vivre leur vie que j’ai pu comprendre que j’étais trans. C’est en voyant des fictions avec des personnes trans que j’ai pu commencer à m’imaginer un futur. Après avoir accompagné quelques projets et après avoir enfin été écouté, Représentrans est né. Il est temps que les représentations trans évoluent en France.”

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Charlie Fabre (il), co-fondateur de Représentrans
"J'ai été inspiré par le projet Représentrans parce que je suis fasciné par la manière dont les médias façonnent les imaginaires collectifs. La recherche de figure d'identification, pour soi-même et pour les autres est primordiale, à mon sens, dans notre sociabilisation. Je crois au pouvoir des mots et des images et donc à l'importance de ce qu'on en fait."

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Chloé Hatimi (elle), Relectrice et traductrice

Qu’en est-il des créateur·ice·s trans ?

La plupart des écrits sur les personnes trans dans le cinéma parlent de représentation à l’écran, mais pas des personnes derrière la caméra. Les médias de ces dernières années ont souvent fait mention de “Premier personnage trans à la télévision française !”, “Première héroïne trans !” pour parler de films et séries écrit·e·s et réalisé·e·s par des personnes cisgenres.

Or de nombreux·ses artistes trans ont produit et continuent à produire des œuvres par des moyens parfois alternatifs. Youtube, par exemple, héberge des milliers de vidéos produites par des personnes trans, que ce soit des courts métrages, des reportages ou des témoignages.

Dans une interview pour JumpCut en 2016, le réalisateur de Disclosure (2020), Sam Feder, en parle ainsi : “Trans people are not yet authorized to set the terms of our own visibility.” “Les personnes trans ne sont pas encore autorisées à imposer les termes de leur propres visibilité.” Il continue : “To be visible, we must conform to the demands placed on us by a public that wants to buy a story that affirms their sense of themselves as ethical.” “Pour être visibles, nous devons nous conformer aux attentes d’un public qui souhaite être conforté dans l’éthique de sa propre identité.” Autrement dit, le public ne souhaite pas être bousculé dans sa façon de voir les choses.

Et cela a un impact très important et très grave : “In their rush to present themselves as doing something new, [filmmakers and show runners] remove from view a rich legacy and history of trans people in the media.” “Dans leur précipitation à vouloir se présenter comme des pionniers, [les réalisateurs et producteurs] éclipsent un héritage et une histoire riches de créateur·ice·s trans.”

Quelques créateur·ice·s trans et “gender variant” (comme iels s’identifiaient à l’époque), du début du cinéma aux années 80 :

  • Germaine Dulac, réalisatrice, habillée de façon très masculine et ayant eu de nombreuses amantes, a réalisé 30 films de 1915 à 1936.
  • Christine Jorgensen a filmé quelques uns de ses voyages, et a également écrit plusieurs scripts qui n’ont jamais été produit.
  • Dorothy Arzner, réalisatrice, scénariste et monteuse américaine, a réalisé 20 films de 1927 à 1943.
  • Ed Wood, s’identifiant lui-même comme travesti, a fait au moins 8 films entre 1947 et 1978, dont un s’inspirant de sa propre histoire, Glen or Glenda.
  • Angela Morley, compositrice, chef d’orchestre et orchestratrice britannique, a composé les bandes-son de 16 films entre 1952 et 1977, dont Le Petit Prince  (1974) et Les Garennes de Watership Down (1977). Elle a remporté trois Emmy Awards, et a été nommée pour deux Oscars et un BAFTA.
  • Ashley Hans Scheirl, artiste multimédia autrichien, a commencé à produire des courts métrages lors de ses études à l’Academy of Fine Arts de Vienne en 1979. Depuis, il a créé 54 courts, et deux longs : Flaming Ears (Rote Ohren fetzen durch Asche, 1992) et Dandy Dust (1998).
  • Wendy Carlos, compositrice et interprète de musique électronique américaine, a développé le synthé Moog avec Robert Moog, et l’a popularisé avec son album Switched-On Bach (1968) qui a notamment gagné trois Grammy Awards. Elle a ensuite composé la bande-son d’Orange Mécanique (1971),The Shining (1980), TRON (1982), and Woundings (1998).
  • Divine a travaillé avec John Waters tout au long de sa vie, ses plus grands succès étant Pink Flamingos (1972), Female Trouble (1974), et Polyester (1981).

Les identités de genre des personnes derrière les caméras n’ont pas toujours été connues, et les œuvres de nombreux·ses créateur·ice·s trans ont été perdu avec le temps dû à l’absence d’archives spécifiques. Mais il est indéniable que des personnes trans ont été devant et derrière la caméra, de par le nombre d’artistes travestis qui fascinaient les publics et le nombre de fois où le sujet du genre a été abordé.

En 1984 et en 1985, des personnes trans ont enfin pu prendre un peu de contrôle sur leur visibilité en étant au centre des documentaires Paradise is Not For Sale (Paradiset er eike til salg, 1984) et What Sex Am I? (1985). Quelques années plus tard en Angleterre, la documentariste Kristiene Clarke réalise le documentaire Sex Change – Shock! Horror! Probe! (1988) pour la chaîne de télévision Channel Four. Le film a été présenté comme le premier documentaire sur la “transsexualité” réalisé et produit par une personne “transsexuelle”.

Avec les années 2000, les créateur·ice·s trans tentent de reprendre le contrôle

En 2002, Alec Butler, une personne intersexe Two-Spirit canadienne, a produit la trilogie animée Misadventures of PussyBoy qui explore la vie sociale et la sexualité d’Alick. En 2006, Sam Feder réalise Boy I am sur des sujets peu souvent abordés lorsqu’on parle de transidentité masculine. La même année, Jules Rosskam produit le documentaire Transparent qui suit 19 personnes trans qui ont donné naissance et élèvent leurs enfants. En 2008, Kimberly Reed filme dans son documentaire Prodigal Sons sa “highschool reunion” alors qu’elle n’a pas mis les pieds dans sa ville natale depuis 20 ans. La même année, Kortney Ryan Ziegler suit la vie de 6 hommes trans noirs dans Still Black: A Portrait of Black Transmen.

En 2020, Fow et Owl du collectif MyGenderation produisent I am They: A non-binary love story sur l’histoire de leurs co-fondateur·ice·s. Iels produisent des courts, sketchs et reportages sur Youtube depuis 2013.

Du côté des fictions, les soeurs Wachowski ont réalisés de nombreux films avant et depuis leur coming out trans : Bound (1996), la trilogie Matrix, la série Sense8, etc. Silas Howard et Harry Dodge ont réalisé leur “queer buddy movieBy Hook or By Crook en 2001. Sam Berliner réalise en 2010 la comédie Genderbusters dont le résumé est le suivant : “Coincé dans le système binaire Homme / Femme ? Faites appel à nos super-héros. Ils sont là pour vous aider à en sortir !”. Ester Martin Bergsmark réalise She Male Snails (Pojktanten) en 2012, puis Something Must Break (Nånting måste gå sönder) en 2014, très appréciés par la critique de films expérimentaux.

Les créateur·ice·s trans produisent également de nombreuses web-séries :

  • Falling in Love…with Chris and Greg (2008-2013)
  • True Trans (2014)
  • Her Story (2015)
  • This Is Me (2015)
  • Eden’s Garden (2015)
  • CRAVE (2015)
  • Brothers (2015)
  • We’ve Been Around (2016)
  • The Switch (2016)
  • GENDERS* (2018)
  • These Thems (2020)

Ces artistes sont pour la majorité américains, car de nombreuses études sont produites. En France, les trans studies sont moins financées et donc moins nombreuses. En octobre 2020, Laurier The Fox a lancé l’initiative #TransCreation et a ainsi recensé un grand nombre d’artistes trans. On y retrouve Kelsi Phụng, avec son court Les Lèvres Gercées, les BD de Sophie Labelle, Dreadnought d’April Daniels, Tout va bien de Charlie Genmor, Les corps sonores de Jul Maroh, Rebecca Sugar, créatrice non-binaire notamment à l’origine de Steven Universe, le chanteur Sohan Pague, la chanteureuse Mélodie Lauret, les livres et les vidéos de Mx Cordélia, le projet de websérie lancé par Charlie Fabre, et plein d’autres que vous pouvez retrouver dans le hashtag #TransCreation ou dans le fil alimenté par Laurier.

 

 

 

Sources :

  • Tracing the History of Trans and Gender Variant Filmmakers, Laura Horak, https://www.academia.edu/33278594/Tracing_the_History_of_Trans_and_Gender_Variant_Filmmakers
  • Does visibility equal progress? A conversation on trans activist media, interview de Sam Feder, https://www.ejumpcut.org/archive/jc57.2016/-Feder-JuhaszTransActivism/text.html
  • Tweets de Laurier, https://twitter.com/Laurier_the_Fox/status/1312121791788195840

ℹ Relecture et traduction des extraits de l’interview de Sam Feder par Chloé Hatimi.

A Good Man (2020), critique d’une personne trans

A Good Man, réalisé par Marie-Castille Mention Schaar, est un film qui a déjà beaucoup fait parler de lui. Il raconte l’histoire de Benjamin et Aude qui veulent être parents, mais Aude ne pouvant porter d’enfants, c’est Benjamin qui se propose pour le faire.

Une polémique sur le choix de noémie merlant

Le film a d’abord fait polémique par son synopsis révélant le prénom de naissance de Benjamin, puis à nouveau lors de l’annonce du casting de Noémie Merlant dans le rôle du personnage principal trans. L’explication dans la note d’intention est insuffisante : il n’y aurait tout simplement pas assez d’acteurs trans en France. L’enquête #ActoraTrans prouve que ce n’est pas le cas (résultats complets disponibles ici).

« Les acteurs trans FTM (female to male) se comptent sur les doigts de la main. »

Extrait de la note d’intention présente dans le document de présentation à la presse (modifié par le diffuseur depuis)

En réaction à la diffusion de cette note d’intention et à l’annonce de sa programmation au Festival de Deauville, Charlie Guibert et moi-même avons organisé un rassemblement. Ce rassemblement ne visait pas particulièrement ce film mais toute l’industrie du cinéma qui oublie encore et encore nos existences, qui ne nous inclut pas dans les projets et qui se sert de nos histoires.

Organisé très tardivement et très rapidement, ce rassemblement du 6 septembre n’a pas réuni beaucoup de monde. Il en est tout de même ressorti une rencontre avec l’équipe du film dont Marie-Castille Mention-Schaar, Noémie Merlant et Jonas Ben-Ahmed. Cette rencontre s’est faite grâce à Jonas, que je connaissais déjà personnellement.

Nous avons ainsi pu mieux comprendre le casting : les canaux habituels de l’industrie n’ont pas connaissance de beaucoup d’acteurs trans. De plus, un directeur de casting, connu pour son travail sur des projets LGBTQ+, a effectivement refusé de travailler avec eux. Parmi les acteurs trans que la réalisatrice a rencontrés, aucun ne correspondait au Benjamin qu’elle avait en tête. Alors, préférant travailler avec un·e acteur·ice expérimenté·e, elle a choisi Noémie Merlant, avec qui elle avait déjà collaboré sur trois autres films.

Une histoire inspirée de faits réels

Marie-Castille Mention-Schaar a décidé de faire ce film après avoir participé à la production du documentaire Coby (2018), réalisé par Christian Sonderegger, également co-scénariste de A Good Man. Elle s’est basée sur la vie de Thomas Beatie, médiatisé comme étant le premier homme enceint, et de Jacob Hunt, déjà sujet du documentaire Coby. Par exemple, la compagne de Thomas Beatie ne pouvait pas porter d’enfant, comme Aude dans le film. Le personnage de Benjamin fait le même métier que Jacob : secouriste. Des moments du documentaire ont également été réécrits et figurent dans le film. La réalisatrice s’est aussi rapprochée de pères trans ayant fait leur parcours en France, ainsi que de Laurence Hérault, chercheuse en sciences sociales à l’Université d’Aix-Marseille.

Jonas Ben Ahmed au 46e Deauville American Film Festival (04/09/2020)
à Deauville. (Photo par Foc Kan/WireImage)

Un autre point abordé dans la note d’intention est celui du choix de Jonas Ben-Ahmed pour interpréter un personnage cis. Jonas Ben-Ahmed est un acteur trans, révélé par son rôle dans Plus Belle La Vie lorsque le soap a abordé la transidentité à travers son personnage d’Antoine. Dans A Good Man, Jonas Ben-Ahmed interprète Niels, caissier au supermarché le jour, barman le soir. Il est présent dans trois scènes et a quelques lignes de dialogues. Sa présence dans l’intrigue n’est pas prépondérante, et c’est dommage parce que je pense qu’il était possible qu’il soit plus présent dans la vie de Benjamin et Aude.

La réalisatrice a fait ce film avec de bonnes intentions en tête, souhaitant donner de la visibilité à ces familles transparentales, mais est-ce suffisant ?

Je n’arrive pas à avoir un avis tranché sur ce film d’un côté ou de l’autre. Le choix d’une actrice cis, malgré toutes les explications, me dérange toujours. Le maquillage, la barbe et les effets spéciaux sur la voix ne m’ont pas convaincu. J’ai pu ignorer ces éléments pendant la majeure partie du film, mais je ne pense pas qu’ils permettent aux personnes trans de s’identifier. Ce choix nuit à l’authenticité de l’histoire et du personnage comme j’ai pu le remarquer dans les premiers retours de personnes cisgenres sur ce film. Ce choix d’une actrice cis crée la confusion.

Dans les critiques que j’ai lues et écoutées, les personnes cis ne savent plus quels pronoms utiliser, pour le personnage, pour l’actrice, pour les flashbacks où on voit Benjamin pré-transition. Et c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle nous, militant·e·s trans, nous opposons au choix d’un·e acteur·ice cis pour interpréter un rôle trans. Le documentaire Identités trans : au-delà de l’image (2020) de Sam Feder vous en dira beaucoup plus encore sur les représentations trans et l’importance du choix d’un·e acteur·ice trans.

J’ai apprécié plusieurs moments du film, notamment les scènes où Benjamin est clairement enceint car ce ne sont pas des images que l’ont voit d’habitude au cinéma. J’en suis ressorti avec le sentiment d’avoir passé un bon moment tout de même, et pour moi, les points positifs l’emportent sur les points négatifs. Je pense pouvoir recommander ce film aux personnes trans sans avoir à les avertir de quelconques scènes dérangeantes. Ce qui est assez rare pour le noter.

Je note positivement que le film n’a pas consacré de scène à faire de la pédagogie sur la transidentité. Ces scènes sont clairement destinées à un public cisgenre, et lorsqu’elles sont présentes dans un film, donnent l’impression que le public trans n’a pas été pris en compte. Le film, basées sur des faits réels, n’est pas plus dramatique que la réalité. Les scènes de violences transphobes (qui ne sont jamais physiques) n’ont pas pour but de créer de l’empathie envers Benjamin. Contrairement à beaucoup de films sur la transidentité, ce n’est ni une histoire de coming-out ni une histoire de transition.

Ma critique est personnelle, motivée par le besoin d’écrire après avoir vu trop de critiques d’hommes cisgenres énervés sans réels arguments. Mon avis est le mien et j’invite les personnes qui l’ont vu à me contacter pour en discuter car j’aimerais beaucoup avoir d’autres avis de personnes concernées (trans ou proches).

(critique mise à jour en septembre 2021)

La question de la représentation trans en France

Tout d’abord, qu’est-ce que la représentation ?

Il s’agit de rendre visible ce qui est absent. Absent et non pas inexistant. La nuance est importante car les personnes LGBTQI+ existent depuis des siècles, qu’elles utilisent ces termes ou non. Les représentations visent à rendre visible au plus grand nombre les personnes qui ne sont pas présentes ou trop peu dans les médias

À quoi ça sert ?

Les sexualités, les transidentités, les genres, les transitions de genre, malgré les définitions que l’on peut trouver dans les dictionnaires, ce ne sont pas des vécus et des expériences qui peuvent être compris·e·s totalement.

L’objectif des représentations n’est donc pas de faire comprendre nos vécus mais….

Les objectifs de la représentation

1. Rendre visible les personnes LQBTQI+ et la diversité de leur existence

2. Donner aux personnes LGBTQI+ l’occasion de se voir au petit comme au grand écran

3. Banaliser l’existence des personnes LGBTQI+ pour une meilleure acceptation par la société

POURQUOI toujours plus de LGBTQI+ à la télévision ?

La télévision, et les médias au plus large, sont désormais des institutions. On peut attendre d’elles qu’elles aient un objectif de pédagogie.

Tout art n’a pas vocation à être pédagogique mais si la représentation d’une certaine minorité est au cœur d’une fiction, il est alors important de se poser la question du contexte dans lequel elle s’inscrit.

le cercle vicieux des représentations

Notre imaginaire se nourrit de ce qu’il voit. Or, jusqu’à présent, les représentations des transidentités, par exemple, se sont enfermées dans une psychiatrisation, une dramatisation, et/ou une sexualisation des personnages, sans consulter les personnes concernées.

Notre imaginaire, nourri de ces représentations, les reproduira tant qu’elles ne seront pas remises en question.

l’évolution des représentations

Les représentations des transidentités ont d’abord été centrées sur l’extraordinaire (« 1ère femme trans opérée ! ») puis le spectacle (Coccinelle, Bambi). Dans la fiction, les personnes trans sont victimes ou coupables, rarement personnages principaux.

Depuis 2017 en France, on peut observer un intérêt pour des représentations qui tentent d’être plus justes. Comme vous pouvez le voir dans mon article sur la représentation trans en France.

Quelques personnages trans (francophones)

Max dans SKAM (FranceTVSlash) > Sohan Pague, acteur trans

Elijah dans Les Engagés (FranceTVSlash) > Adrian de la Vega, acteur trans

Antoine dans Plus Belle La Vie (France 2) > Rôle guest joué par Jonas Ben-Ahmed, acteur trans

Sam dans Mytho (Arte/Netflix)

Morgane dans Demain Nous Appartient (TF1)

Louise dans Louis(e) (TF1)

Lola dans Lola Vers la Mer (film) > Mya Bollaers, actrice trans

À venir

Il ou Elle, un téléfilm TF1 (rentrée 2020) > Actrice trans

Ici tout commence, série TF1 spin-off de Demain nous appartient (rentrée 2020)

Résultats de l’enquête #ActoraTrans qui seront publié ici, sur representrans.fr.

A Good Man, un film de Marie-Castille, Mention-Schaar (3 mars 2021)


Publication instagram à partager

https://www.instagram.com/p/CDyO-CCCbEQ/

Guide « Le prénom et les pronoms »

Après une première fiche pratique sur « Comment écrire sur les personnes trans ?« , voici une fiche sur le prénom et les pronoms.

Les pronoms, qu’est-ce que c’est ?

Les pronoms, c’est ce qu’on utilises pour désigner des personnes. On les utilise au quotidien sans y réfléchir parce qu’on les appris jeune, très jeune. On nous apprend notamment que « il », c’est masculin, et donc pour les hommes, et « elle » est féminin, donc pour les femmes.

En vrai, il n’y a pas de règles gravées dans le marbre, qu’importe ce que peux dire l’Académie Françaises. Cette dernière rend compte de la langue et ses évolutions, elle n’impose pas de règle à suivre. Sans vouloir faire un cours d’histoire, parce que ce n’est pas mon expertise, il fut un temps où le français avait un pronom neutre, aujourd’hui oublié (par l’Académie Française entre autres).

Aujourd’hui, des personnes utilisent à nouveau des pronoms neutres : ul, ol, el, et le plus couramment utilisé : iel. Ces pronoms peuvent être utilisé pour désigné une personne dont vous ne connaissez pas le genre, ou pour des personnes de genre non-binaire et qui vous disent utiliser ces pronoms.

Et les accords dans tout ça ?

Avec la règle appris tout jeune « Le masculin l’emporte sur le féminin », tout groupe comportant un seul homme, qu’importe le nombre de femmes, sera accordé au masculin. Ça n’est pas très équitable ni inclusif. Aujourd’hui, l’écriture inclusive permet d’y remédier. C’est une forme d’écriture « neutre », mais qui permet également de ne pas genrer intempestivement des personnes qui ne souhaitent pas l’être ou dont vous ne connaissez pas le genre.

Couramment, on accorde les mots au féminin quand on utilise « elle », et au masculin avec « il ». Mais comme vu précédemment, il n’y a pas de règles, ni de marbre, la langue évolue avec ses locuteur·ice·s.

Il est donc possible d’utiliser :

  • iel et le masculin
  • il et le féminin
  • elle et le neutre (é·e, éE,…)
  • bref, on a compris 🙂

Se pose donc la question suivante :

Comment savoir quels pronoms utiliser ?

Tu viens de rencontrer quelqu’un et tu ne sais pas comment il, elle ou iel se genre. Rien de plus simple : laisse lui le temps de te donner quelques indices. Si c’est une rencontre en ligne, sa bio twitter, tinder, etc. pourra te donner une réponse, sinon de précédentes publications pourront t’informer avec un accord (é, é·e, ée, etc.). Si jamais tu n’arrives pas à trouver la réponse, et encore plus si c’est à l’oral : tu peux les lui demander de façon simple : « Quels sont tes pronoms ? ».

Pour anticiper cela, tu peux te présenter avec tes propres pronoms : « Bonjour, je m’appelle Alex, et pour moi, c’est il/lui. ». Si tu ne te sens pas à l’aise de le faire, parce que vous êtes en groupe, dans l’espace public, dans un milieu professionnel, la personne en face de toi ne sera peut-être pas plus à l’aise que toi pour répondre à une telle question.

Une question sur les pronoms peut aussi être une source d’anxiété et de stress pour une personne en questionnement ou qui n’est pas encore out. Reste donc à l’écoute de comment la personne se genre et en attendant, genre la de façon neutre. À l’oral, l’accord en « é·e » ne s’entend pas par exemple, pareil pour les adjectifs comme joli·e, incroyable, poli·e, etc.

Parfois, on se trompe, que faire ?

Si la personne te corriges : excuses-toi simplement. Un simple « Je suis désolé. » sera bien plus apprécié que des excuses longues et détaillées. Et surtout, ne donne pas de justification à ton erreur. Oui, tu as appris à reconnaître des expressions de genre (robe, maquillage, barbe, etc.) et à genrer les personnes en fonction, et nous l’avons tou·te·s été, il n’est donc pas nécessaire d’utiliser le physique ou les vêtements de la personne pour justifier une simple erreur.

Si tu apprends plus tard que tu as mal genré quelqu’un en face d’elle mais qu’elle ne t’as pas corrigé : tu prends note pour une prochaine fois. Tu peux brièvement présenter tes excuses une prochaine fois, mais ce n’est pas obligatoire. Comme pour le premier scénario : ne fait pas des excuses à rallonge et détaillées. Et surtout : ne te précipite pas vers la personne pour lui expliquer ton erreur.

Comment écrire sur les personnes trans ?

Utilisez les bons termes

Les mots sont importants, utilisez les bons. Certains termes ont une histoire, certains termes sont péjoratifs et ont une histoire lourde au sein de la communauté. Écoutez les critiques et corrigez-vous si cela est nécessaire.

Quels termes utiliser alors ?

« Trans » et « transgenre » sont des adjectifs.

On dit donc :

  • une personne trans / trangenre
  • une femme trans / transgenre
  • un homme trans / transgenre
  • des personnes trans / transgenres

On ne dis pas :

  • un/le trans
  • une/la trans
  • des trans

Transsexuel, transexuel, transsexuelle, sont également des adjectifs mais à proscrire le plus possible, comme l’explique le kit de l’AJL à destination des rédaction : « On préférera dire “une personne transgenre”, “une personne trans” plutôt que “un.e trans” ou “un.e transgenre”. Le terme “transsexuel.le” est, sauf utilisation par une personne concernée, à bannir du discours journalistique. Il est rejeté par beaucoup de personnes trans pour sa connotation médicale, et à ce titre pathologisante. » (Respecter les personnes trans, AJL)

Pour continuer, vous pouvez vous rendre dans notre lexique ou sinon consulter celui de wikitrans.co, ou encore leur article 10 idées reçues sur la transidentité – Wiki Trans.

Pourquoi parler du prénom de naissance ?

Je dirais même plutôt : et si on arrêtait d’en parler ? Le vrai prénom des personnes trans est celui qu’elles utilisent au quotidien, qu’il soit celui inscrit sur leurs papiers d’identités ou non. Il n’est que très rarement utile de rappeler le prénom de naissance (aussi appelé morinom ou deadname) des personnes trans, et il faut toujours le faire avec l’accord de la personne.

Pour votre personnage (ou vos personnages mêmes !) et votre histoire, est-ce crucial de partager ce prénom de naissance ? Est-ce indispensable que le spectateur ou lecteur le connaisse ?

À noter : il est possible de mentionner le prénom de naissance des personnes trans célèbres qui étaient connues avant leur transition comme Caitlyn Jenner, Océan, Sandra Forgues, etc. Mais il est important de ne pas l’utiliser pour parler de la personnalité, seulement pour rappeler sous quel prénom le public a pu le ou la connaître. Si la transition date déjà de plusieurs années et que la personne est connue depuis un moment sous son nouveau prénom, il n’est pas nécessaire de le préciser : comme pour Caitlyn Jenner, Océan, etc.

Quelle est l’utilité des avant/après ?

Ma réponse sera courte : il n’y a pas d’utilité à montrer des avant/après.

Pour la version longue : comme vu précédemment, cela renforce une obsession pour nos « transformations ». Cela transmet l’idée que ces changements sont soudains et impressionnants. Or, nos transitions prennent plusieurs années dans la plupart des cas, certaines personnes ne suivent pas de transition médicale d’ailleurs.

À moins de parler des changements spécifiques des transition médicales, il n’est donc pas nécessaire d’illustrer un sujet sur une personne trans avec un avant/après, ou de montrer une femme trans retirant son maquillage ou le mettant, ou un homme trans en train de se raser ou de s’injecter de la testostérone. Ces moments font bien partie de nos vies, et peuvent tout à fait être à l’écran. Ce qui est important de travailler, c’est le focus qui est fait. Est-ce le but de la scène ou un élément de vie anodin qui fait partie de la scène ?

A noter : beaucoup de personnes trans font le choix de publier des avant/après sur leurs réseaux sociaux, et c’en est leur droit. Mais lorsque la transition d’une personne n’est pas au centre du sujet, l’illustrer avec de telles images renforcent l’obsession du changement « incroyable ».

Stop aux histoires de coming-out et de transition

Les histoires de coming-out et de transition sont importantes, mais elles ne devraient pas être les seules racontées. Elles sont d’autant plus importantes lorsqu’elles sont bien traitées : si vous n’êtes pas sûr de réussir à le faire, vous pouvez tout de même inclure des personnages trans dans vos récits en les traitant comme n’importe quel autre personnage, avec respect et bienveillance et en vous renseignant sur les tropes à éviter.

Les histoires sur les coming-out et les transitions nourrissent une obsession pour nos corps, nos « transformations ». Alors que les histoires de vies banales, ou des autres combats qui doivent être menées, sont très importantes à raconter elles-aussi.

Faites appel à un·e consultant·e concerné·e

(Et rémunérez-la·e.)

Les personnes expertes sur ces sujets sont les personnes concernées, et non pas les psychologues, psychiatres, chirurgiens et endocrinologues. Si ces derniers peuvent apporter un éclairage sur la violence de la transphobie et ses conséquences sur nos vies, ou une explication des taux hormonaux ou du principe de transition médicales, les personnes transgenres sont les premières personnes concernées par ce sujet et devrait toujours être impliquées.

Point important : toutes les personnes trans ne sont pas expertes sur tous les sujets liés à la transidentité, et moins encore sur le sujet de la représentation. L’avis d’un·e ami·e transgenre ne suffit pas.

Vous pouvez consulter notre annuaire ou notre page dédiée.

Les acteur·ice·s cis peuvent-iels jouer des personnages trans ?

cisgenre transgenre qui joue quoi

C’est une question que je me pose depuis longtemps parce que j’ai découvert la réalité des transidentités en dehors du cinéma. Tout ce que j’avais vu à la télévision ou donc dans une salle de cinéma, c’était très souvent des hommes cisgenres qui jouaient des femmes trans dans des rôles qui représentaient très mal la réalité des personnes trans.

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