L'analyse des critères
"En points positifs, on peut citer les suivants :
- Le critère le plus simple à évaluer est celui de l’actorat. Emilia Pérez est incarnée par une actrice trans, Karla Sofía Gascón, même lors de scènes pré-transition.
- Emilia n’est jamais entièrement nue, et sa nudité (partielle) est suggérée lorsqu’elle dévoile sa poitrine pour montrer ses changements physiques à un autre personnage.
- Il est aussi important de noter que la transidentité d’Emilia n’est pas source de malheur ou de détresse. Elle est heureuse lorsqu’elle y a enfin accès et c’est visible. Ses proches n’étant pas au courant, il n’y a pas de réactions négatives. Son identité trans n’est pas “découverte”, ressort narratif trop souvent utilisé pour faire souffrir les personnages trans. Lorsqu’elle en parle à son ex-femme, c’est son choix et rien ne l’y oblige. Et surprenamment, sa chute finale n’est pas causée par sa transidentité, mais par sa violence passée et actuelle.
Côté points négatifs, il y a tout de même ceux-ci :
- Le parcours médical est bien visible : le premier tiers du film lui est effectivement consacré et le choix du chirurgien est mis en scène dans deux chansons différentes.
- On note l’absence d’autres personnages trans, Emilia ne pouvant pas vivre sa transidentité ouvertement.
Enfin, il y a quelques points qui ne sont ni 100% positifs ni 100% négatifs :
- Les miroirs sont présents, mais heureusement, leur utilisation est limitée. Une scène marquante montre Emilia observant le résultat de son opération à l’aide d’un miroir de poche dont le reflet n’est pas visible à l’écran.
- Si son identité trans est remise en question par un chirurgien cis, cela n’a lieu que lors des scènes autour de sa transition, dans la première partie du film. Son identité trans n’est plus remise en question par la suite, elle est identifiée et respectée en tant que femme dans tout le reste de l’histoire.
- Un critère est compliqué à évaluer : Emilia a-t-elle un comportement prédateur et est-elle déloyale ? Ce critère a été défini par Nissa Mitchell en réaction à l’absence de représentation de personnages trans honnêtes et qui ont du succès. Si le personnage ne fait pas nécessairement preuve d’honnêteté, elle rencontre un certain succès tout au long du film. D’abord en tant que narcotrafiquante, puis en tant que responsable d’une association caritative (qu’elle finance avec l’argent de ses anciens trafics) grâce à laquelle elle espère se racheter de ses crimes passés. Elle trouve également le bonheur dans sa vie personnelle pendant un temps, puisqu’elle réussit à ramener ses enfants auprès d’elle et rencontre l’amour. Cet amour est vécu auprès d’une femme, ce qui fait d’elle une femme trans lesbienne, une représentation assez rare."
Lire l'analyse dans son intégralité : Emilia Pérez est-il un film transphobe ?