Coup d’oeil sur Coccinelle

À l’heure où une mini-série espagnole retrace la vie d’une de ces figures trans les plus connues, Cristina La Veneno, il est bon de rappeler que nous avons eu, nous aussi en France, des figures trans connues et impactantes. Ainsi je vous propose de partir à la découverte de Coccinelle. 

 

Grande, blonde, élancée, oscillant entre les esthétiques de Marilyn Monroe et Brigitte Bardot, Jacqueline Charlotte Dufresnoy débute dans le monde du spectacle au début des années 50 sous le nom de Coccinelle chez “Madame Arthur” puis au “Caroussel”, deux cabarets célèbres pour leurs revues d’artistes transformistes et travestis. Elle chante, danse, s’effeuille et s’impose en tant que meneuse de revue glamour, affolant le tout Paris de la nuit.

Toute sa vie d’artiste, elle affirme qu’elle n’a jamais eu recours à un agent ou à un impresario pour la faire connaître mais que seul le public l’a constamment sollicitée. Ainsi, sa célébrité la pousse à sortir des murs des cabarets pour s’aventurer ailleurs dans les années 60. Elle enregistre plusieurs 45 tours (dont les célèbres “Chercher la femme” et “Avec mon p’tit faux cul”) et le cinéma ne tarde pas à lui faire de l’oeil. Ces premiers pas cinématographique se font dans le documentaire “Nuits d’Europe” d’Alessandro Blasetti sortie en 1959. Elle jouera ensuite ses propres rôles dans “Les Don Juan de la côte d’Azur” de Vittoro Sala et “Los Viciosos” tous deux sortis en 1962. Elle tournera dans d’autres documentaires et quelques films, essentiellement italiens.

C’est cependant dans le music-hall, ses premières amours, qu’elle s’illustre le mieux et obtient un succès international. Après s’être produite en 1963 à l’Olympia dans le spectacle musicale “Chercher la femme” que lui écrit tout spécialement Bruno Coquatrix, elle entame une série de tournée qui l’emmèneront partout sur la planète dans les années 70 où elle est inlassablement applaudie. En 1978, elle s’établit à Berlin où elle fait les beaux jours du grand cabaret “Chez nous”.

Ce n’est qu’en 1986 qu’elle revient en France chez “Madame Arthur”. À partir de là, elle se fera davantage présente à la télévision dans des émissions de variétés telles que “Tournez Manège”, “Les Dossiers de l’écran” ou encore chez Ardisson. Elle rédige son autobiographie “Coccinelle par Coccinelle” et triomphe au Casino de Paris au côté de Pascal Sevran en 1989. Durant les diverses promotions télévisées qui lui sont proposées, elle n’hésite pas à sensibiliser le public sur les personnes transgenres, les enfants transgenres, devenant la première célébrité trans à le faire à la télévision française sur des chaînes grand public. Elle quitte ensuite Paris pour le Sud de la France dans les années 90 où elle se fera plus discrète. Elle se produira principalement à Marseille

Sur le plan public, elle défraye régulièrement la chronique. Notamment quand elle épouse son premier mari, Francis Paul Bonnet, en 1961, devenant ainsi la première femme trans célèbre à se marier en toute légalité car elle est également la première célébrité française à changer légalement d’état civil en 1958, non sans mécontentement de l’opinion publique de l’époque. Ce premier mariage ne tiendra pas puisqu’elle divorce en 1962. Elle épousera ensuite un danseur de music hall colombien en 1966 dont elle divorcera aussi par la suite. C’est en 1996 qu’elle se marie une dernière fois en épousant l’artiste transformiste et comique Thierry Wilson alias Zize Dupanier, en direct sur TF1 dans “Tout est possible”.

Elle décèdera en octobre 2006 d’un arrêt cardiaque à Marseille, des suites d’une rechute d’un accident vasculaire cérébral. Le 18 Mai 2017, le Promenade Coccinelle est inaugurée à Paris en son hommage. Il s’agit alors de la première inauguration d’une rue en hommage à une personne trans en Europe et dans la capitale d’un pays, et la deuxième dans le monde.

Pourquoi vous ne pouvez pas comparer les personnes trans’ avec les elfes…

… et autres zombies, orcs, aliens, etc.

 

En réalité, sur certains points, vous pouvez comparer les personnes trans’ à des elfes. Par exemple, nous avons beaucoup de style, des capacités surnaturelles et tous les vêtements nous vont. 

 

Mais si je soulève la question aujourd’hui, c’est à cause de certaines réactions à l’article de Gab intitulé “est-ce que les rôles trans devraient être joués par des acteur.ice.s trans ?”. Sous le post instagram correspondant, un commentaire demande “mais on fait comment pour les films de zombies ?”, tandis qu’une story dénonce la condition des pauvres elfes dans le Seigneur des Anneaux, joués par des humain.es tel.les qu’Orlando Bloom ou Liv Tyler. 

Ce n’est ni la première, ni la dernière fois, que ce genre de remarques fleurissent aussi il me semble important de rappeler que (désolé pour la déception) : les elfes n’existent pas. Pas plus que les sirènes, les centaures, les zombies et tout un tas de créatures fantastiques ou inventées. Par conséquent, il n’existe pas d’acteur.ices elfes, sirènes, centaures, zombies etc, bref, vous avez l’idée. En revanche, vous savez ce qui existe ? Les acteur.ices trans’ ; et le combat mené pour qu’iels aient accès à l’industrie du jeu au même titre que leurs comparses cis. 

Donc, pour faire simple : vous ne pouvez pas comparer un truc impossible à accomplir, avec un truc potentiellement possible à accomplir et dont le non-accomplissement est largement dû à un système transphobe

 

Ce n’est pas pour rien si l’article sur l’actorat trans a été (de loin) le plus lu et partagé de notre page : aujourd’hui c’est une question qui concentre les débats et cristallise la transphobie. Débattre en boucle de qui doit ou ne doit pas jouer une personne trans’, c’est faire l’impasse sur l’écriture du personnage ; sur son temps de parole à l’écran ; sur son temps de nudité à l’écran ; sur tous les stéréotypes que l’on retrouve. 

Oui, dans un monde idéal où tout est bien représenté, où la transphobie n’existe pas, peut-être, qu’alors, on pourrait accepter que des personnes cis jouent des personnages trans’… Mais à l’heure où les écarts de niveau de vie se creusent entre personnes cis et trans’, à l’heure où l’accès à un emploi est inégal ; à l’heure où l’un des ressorts les plus violents de la transphobie est l’idée que nous nous déguisons pour tromper les cis : les personnes trans doivent jouer les personnages trans. 

 

Et pour la question des personnages gays / lesbiens, est-ce que cela voudrait dire que seules des acteur-ices gays / lesbiennes pourraient les interpréter ? À notre sens oui, pourquoi pas ? 

Mais là encore, l’actorat ne devrait pas être le seul enjeu. Quand un film sur une romance homosexuelle est écrit, on peut vite sentir si la plume est hétéronormée ou non. On ne peut pas dire que les représentations lesbiennes et gays à l’écran soient incroyables jusqu’à maintenant… Entre les couples avec 20 ans d’écart, les relations toxiques, les tromperies, les morts, les scènes de cul bien fétichistes… franchement, on mérite mieux. 

 

Et pour être vraiment clair : on ne demande pas à ce que les acteur-ices trans’ ne puissent jouer QUE des personnages trans’ / clairement identifiés en tant que tels. D’après notre enquête, 95% des répondant-es souhaitent interpréter des rôles trans / non-binaires, mais pas exclusivement et seulement 3% souhaitent n’interpréter que des rôles trans / non-binaires;) 

L’idée donc, pour simplifier : toustes les acteur-ices trans’ ne doivent pas jouer que des rôles de personnages trans’ mais tous les rôles de personnages trans’ doivent être donnés à des acteur-ices trans’ (qui existent en grand nombre… contrairement aux elfes).

Les acteur·ice·s cis peuvent-iels jouer des personnages trans ?

cisgenre transgenre qui joue quoi

C’est une question que je me pose depuis longtemps parce que j’ai découvert la réalité des transidentités en dehors du cinéma. Tout ce que j’avais vu à la télévision ou donc dans une salle de cinéma, c’était très souvent des hommes cisgenres qui jouaient des femmes trans dans des rôles qui représentaient très mal la réalité des personnes trans.

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