La 5e édition du festival CANNESERIES s’est déroulée du 1er au 6 avril et a réuni des séries du monde entier en mettant l’accent sur « la créativité et l’audace ».
Outre ses partenariats avec des associations telles que 1000 visages, Passeurs d’images et le Collectif 50/50, CANNESERIES présente deux prix non genrés depuis sa première édition en 2018 : le Prix de la meilleure interprétation qui récompense une performance individuelle, et le Prix spécial de l’interprétation qui récompense une performance d’ensemble. Un troisième a été intégré récemment, le Prix Dior de la Révélation, récompensant une performance dans une série courte.
Avec une telle actualité, nous avons décidé de partager avec vous une synthèse des représentations transgenres à la télévision.
Un certain retard français
En France, l’ARCOM, Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (organisme issu de la fusion du CSA et de HADOPI) « est chargé, par la loi, de faire appliquer une juste représentation de la diversité de la société française dans les médias audiovisuels (télévision et radio) et sur tous leurs supports. ».
L’ARCOM n’indexe pas les personnages transgenres. Nous n’avons donc pas de données chiffrées à vous partager sur les personnages trans diffusés à la télévision française et sur les plateformes numériques.
Cependant, nous pouvons tout de même citer les 5 personnages suivants :
- Max dans la série Skam France (France TV Slash),
- Morgane Guého dans le feuilleton quotidien Demain Nous Appartient (TF1),
- Eliott dans le feuilleton quotidien Ici Tout Commence (TF1),
- Elijah dans la série Les Engagés (France TV Slash),
- et Léna dans la série La Faute à Rousseau (France 2). Le professeur de philosophie accueillera cette élève trans en deuxième saison. Ce personnage écrit avec l’accompagnement de Représentrans est interprété par Andréa Furet, actrice trans.
Pour la saison télé 2021-2022, nous comptabilisons donc 2 femmes, 2 hommes, et 1 personnne non-binaire. Léna est le seul nouveau personnage de cette saison TV.
« Où nous sommes à la télévision »
Si les données en France sont insuffisantes, le travail de GLAAD nous offre une visibilité chiffrée sur une partie des représentations auxquelles nous sommes exposé·e·s, les séries américaines étant largement diffusées de notre côté de l’Atlantique.
Depuis 2005, GLAAD publie annuellement le rapport « Where We Are On TV » qui comptabilise les personnages LGBTQ présents dans le paysage audiovisuel américain. Les personnages comptabilisés sont ceux présents dans les séries diffusées pendant la saison TV : du 1er juin 2021 au 31 mai 2022 (en fonction de leur date de diffusion confirmée par les chaînes et plateformes) à la télévision, sur le câble et sur les plateformes de streaming. Les unitaires ne sont pas pris en compte.
Ce rapport évolue au fur et à mesure que la télévision américaine change. Avec l’engouement récent pour les plateformes numériques lié à la pandémie, GLAAD a ainsi élargi son panel de chaînes. Grâce à de nouvelles représentations de plus en plus inclusives, GLAAD a également fait évoluer leurs différentes catégories LGBTQ.
Ainsi, « Where We Are On TV » comprend désormais une catégorie non-binaire ainsi qu’une catégorie asexuelle. La catégorie non-binaire est différenciée de la catégorie trans car GLAAD a noté que le sens du mot s’est élargi et que toutes les personnes non-binaires ne s’identifient pas comme trans. En ce sens, les personnages non-binaires non identifiés comme trans dans la série même ou par la chaîne sont comptabilisés dans cette nouvelle catégorie.
GLAAD : association américaine de veille médiatique œuvrant à dénoncer les discriminations et les attaques à l’encontre des personnes LGBTQ au sein des médias.
Que de progrès depuis 2005
Dans la première édition de « Where We Are On TV » il y a 17 ans, seuls 12 personnages LGBTQ avaient pu être comptabilisés. En 2019, le nombre de personnages a passé la barre symbolique des 10% pour la première fois. Dû à l’impact de la pandémie sur les productions, le rapport 2020 avait indiqué une baisse du nombre de personnages LGBTQ, représentant alors seulement 9,1 % des personnages.
Cette année, GLAAD comptabilise 637 personnages LGBTQ à la télévision et sur les plateformes US. Un chiffre record, représentant 11,9 % des personnages. Sur ces 637, les personnages trans sont au nombre de 42, soit 6 % des personnages LGBTQ, et moins de 1 % des +5300 personnages présents sur les écrans.
Si le nombre de personnages trans est record, le pourcentage parmi les personnages LGBTQ est lui en baisse. Cela s’explique par une augmentation des personnages LGBQ cisgenres.
Qui sont ces personnages trans ?
Parmi les 42 personnages trans, 13 sont nouveaux. Et sur les 36 séries qui incluent ces personnages, 10 sont nouvelles ! Malheureusement, il est déjà annoncé que 7 de ces 36 séries ne reviendront pas la saison prochaine (fin de série ou série arrêtée).
On compte dans ces personnages 20 femmes, 14 hommes et 8 personnes trans non-binaires. 18 d’entre elleux sont blanc·he·s, 9 sont latinx, 6 sont noir·e·s, 4 sont asiatiques ou insulaires du Pacifique et 4 sont métis·ses ou d’autres ethnicités (catégories présentes dans le rapport de GLAAD).
Sur ces 42 personnages, 20 sont identifiés comme hétérosexuels, 7 sont bisexuel·le·s, 1 est gay et 1 est lesbien. 13 ont une orientation sexuelle non-identifiée (et non confirmée par la chaîne). Cela s’explique par le jeune âge de certains personnages ou encore par l’absence d’histoire romantique, mais également par un manque de vision ou encore une certaine ignorance quant à la différence entre identité de genre et orientation sexuelle.
Où sont-iels ?
Les séries accessibles gratuitement comptent seulement 8 personnages trans : 4 femmes et 4 hommes. Les séries listées par GLAAD sont (les séries soulignées sont accessibles en France) : Supergirl, 4400 (Syfy), Coroner, Charmed, New Amsterdam, 9-1-1 Lone Star (M6), Big Sky.
Les séries accessibles par le câble comptent seulement 8 personnages également : 2 femmes, 4 hommes et 2 personnes trans non-binaires. Les séries listées par GLAAD sont : Euphoria, Good Trouble, Single Drunk Female, Somebody Somewhere, Billions, The L Word : Generation Q, The End.
Ce sont évidemment les séries des plateformes numériques qui comptabilisent le plus de personnages trans : 14 femmes, 6 hommes, 6 personnes trans non-binaires. À noter qu’Apple TV+ et Disney+ n’avaient pas de personnages trans. Les séries listées par GLAAD sont (liste non-exhaustive) : Sort Of (Canal+ et Salto), Dafne and the Rest, With Love, Sex Education, Cowboy Bebop, Dear White People, Heartstopper (à venir sur Netflix), Sandman (à venir sur Netflix), Star Trek Discovery, Saved by the Bell.
La catégorie non-binaire comptabilise 17 personnages que vous pouvez retrouver dans les séries suivantes (liste non-exhaustive) : Grey’s Anatomy, Another Life, Motherland: Fort Salem, Feel Good, And Just Like That, The Sex Lives of College Girls, The Girl in the Woods, Ridley Jones, Rutherford Falls.
Des chiffres prometteurs
Les mots de Nick Adams, vice-président, GLAAD Media Institute & Transgender Advocate :
« C’est merveilleux de voir plus de personnages trans apparaître dans des comédies, car cela permet aux gens de rire avec nous, et non de nous. Cependant, il y a encore des efforts à faire, car 9 des 11 comédies qui incluent des personnages trans sont sur des plateformes de streaming. Il n’y a pas de personnages trans dans les comédies diffusées à la télévision. Nous espérons également voir plus de créateurices raconter des histoires de personnes trans dans des relations amoureuses – en particulier des relations lesbiennes, gays et bisexuelles. À la télévision, seuls 5 % des personnages trans sont lesbiennes ou gays, ce qui ne reflète pas fidèlement la communauté. Enfin, alors que les chaînes et les services de streaming planifient leur programmation, nous espérons qu’ils utiliseront ce rapport pour comprendre en quoi la représentation trans peut être améliorée, et qu’ils tendront la main à GLAAD et aux scénaristes, réalisateurices et producteurices trans pour continuer à créer des personnages et des intrigues trans et non binaires plus nuancées et plus complexes à la télévision. »
(traduction par Gab Harrivelle)
Un grand pouvoir implique une grande responsabilité
Cette citation de cinéma s’applique très bien au paysage audiovisuel, américain comme français. Les séries ont elles aussi ce lourd pouvoir des représentations, concret et quantifiable.
C’est le think tank Le Lab Femmes de cinéma qui nous le rappelle dans leur note « La parité et la mixité dans les séries : où en sommes-nous ? » (avril 2022).
La série Friends comme la série Modern Family ont changé les regards des américains sur les lesbiennes, les gays et le mariage pour tou·te·s. Vous pouvez en apprendre plus dans le lien ci-dessus, page 5 particulièrement.
Le Lab Femmes de cinéma indique également qu’en France, en 2019, 66 % de la population regarde une série au moins une fois par semaine et 92 % en regardent régulièrement.
Ces chiffres associés aux impacts tangibles sont preuves de l’importance des représentations. Il est crucial de les penser au-delà des images et d’inclure la diversité de la société derrière les caméras.
Nous espérons que les chaînes et les plateformes verront dans notre article des pistes d’amélioration des représentations trans en France et qu’iels se tourneront vers les personnes à même de les aider, telles que Représentrans pour les représentations trans et non-binaires.
Collaborez avec nous !
Relecture par Chloé Hatimi