Très bon premier jour du mois de la Pride à vous ! Pour ce mois de juin, nous allons adapter nos articles un peu, notamment en commençant avec cet article sur les représentations positives. Parce qu’en plus de demander plus de représentations LGBTQI+, nous réclamons même des représentations positives. Qu’est-ce que cela veut dire des représentations positives ? Et surtout pourquoi ?
Comment définir une représentation LGBTQI+ positive ?
On peut la définir par ce que ce n’est pas : un personnage totalement heureux qui n’a aucun problème dans sa vie. Ce n’est pas non plus ce qu’on nous propose depuis des décennies : un personnage qui ne vit que des tragédies, sans une once de bonheur dans sa vie.
Pour moi, une représentation positive, c’est une représentation authentique (qui n’occulte donc pas les violences et autres problèmes que nous pouvons rencontrer mais celleux-ci ne sont pas les points centraux de l’histoire) qui nous humanise, nous empouvoir, et nous donne de l’espoir.
Si on représente la réalité, on se doit de représenter les violences, non ?
On en vient au cercle vicieux des représentations où les représentations se nourrissent les unes des autres, et nourrissent la vie et les attitudes envers les personnes LGBTQI+.
« Art imitates life. » L’art imite la vie : Boys Don’t Cry (1999) ou Prayers for Bobby (2009) sont deux films basés sur des histoires tragiquement vraies.
Mais « Life imitates art. », la vie imite l’art tout autant : les violences que les femmes trans subissent dans les films et séries sont reproduites dans la vraie vie comme Jen Richards le détaille dans Disclosure (2020).
Réflexions soutenues par le travail de Bode Riis, Transgender Reflections: Audience Studies on the Portrayal of Trans Characters in Film & TV, 2014
Le cercle vicieux des représentations LGBTQI+ de la violence faites aux personnes trans
(adaptation du travail de Bode Riis)
Pourquoi alors réclamer des représentations positives ?
Je ne vais pas me limiter à cette réponse mais pour moi elle couvre tout de même la majeure partie des raisons :
« Life imitates art. »
Il y a forcément l’envie de rééquilibrer le nombre croissant de représentations déprimantes de nos vies. Mais c’est aussi parce que les représentations positives ont un impact réel auprès de nos proches. Les représentations informent le public sur les attitudes et le comportement à avoir avec les personnes LGBTQI+.
Des chercheuses se sont intéressées à l’impact d’un épisode de la série Royal Pains sur les attitudes des téléspectateur·ice·s envers les personnes trans.
Quels sont les impacts des histoires sur les attitudes des spectateur·ice·s ?
Le résultat de cette étude de 2017 est le suivant : les émotions positives induites par la narration ont un impact positif plus important que les émotions négatives.
Ressentir de l’espoir pour le personnage et son avenir amène à avoir des réactions plus positives envers les personnes trans dans la réalité. Ressentir du dégoût ou de la colère pour la situation de la personne trans dans la narration n’amène pas particulièrement à ressentir des émotions positives envers les personnes trans dans la réalité.
Du panel de 416 personnes, celles ayant ressenties des émotions positives durant l’épisode avaient des attitudes plus positives envers les personnes trans et leur combat pour plus de droits. Les autres, leur attitude n’avait pas changé.
Comment changer les attitudes envers les personnes LGBTQI+ ?
Le résultat de cette étude combiné au travail de Bode Riis nous montrent donc que représenter telle quelle la violence que nous subissons, en plaçant les personnages LGBTQI+ dans des situations de passivité, de victime, n’améliorent pas le quotidien des personnes LGBTQI+.
Il est important de raconter des histoires qui inspirent des émotions positives auprès du public, que celui-ci soit cis ou trans. Car ces émotions ont de réels impacts sur nos droits.
Cependant, attention, les représentations positives ne doivent pas être notre seul moyen d’action. Comme le dit la cinéaste, écrivaine, et professeure américaine Susan Stryker :
« Une représentation positive ne peut changer les conditions de vie des personnes trans que si elle s’inscrit dans un changement social plus large. »
Exemples de représentations positives :
Schitt’s Creek (2015-2020) : l’homophobie que pourrait vivre le personnage de David Rose n’est pas ignorée mais il ne la subit pas pour autant à l’écran.
Les Engagés (2017-2021) : la transphobie qu’a pu vivre le personnage d’Elijah n’est pas montrée mais mentionnée. Le public trans n’as pas ainsi à la subir à nouveau.
Torch Song Trilogy (1988) : le personnage d’Arnold Beckoff subi de l’homophobie, son entourage également, mais il est pleinement acteur du film, de sa propre vie. Le focus de l’histoire n’est pas sur les violences subies mais sur sa vie.
Euphoria, épisode spécial sur Jules : le personnage de Jules parle des violences subies, de sa transidentité, de façon active et elle n’est pas réduite à cela.
À noter que ces œuvres ont été créées avec ou par des personnes concernées 😉
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